Le retour à la vie de Ali, jeune rescapé de la violence armée au Burkina Faso

La situation de la protection de l’enfant au Burkina Faso a connu une grande dégradation en 2022, en raison de l’activisme incessant des groupes armés non étatiques. Des menaces et attaques violentes contre les civils se sont multipliées dans diverses localités, obligeant parfois des villages entiers à se vider de leurs populations. Au cours des déplacements, les enfants, qui représentent plus de 61% des Personnes Déplacées Internes (PDI), sur un total de 1 902 150 répertoriés en juin 2022, sont exposés à plusieurs risques de protection, dont notamment la séparation familiale, la déscolarisation et la détresse psychosociale. Pour porter assistance à ces enfants en difficulté, ainsi qu’à leurs familles, le Projet d’appui à la résilience des déplacés internes face à la crise sanitaire de la Covid-19 dans la ville de Kaya (Chef-lieu de la région du Centre-nord du Burkina Faso) a été mis en place. D’une durée de 18 mois, il est financé par SOS Villages d’Enfants en Allemagne et intervient essentiellement dans 3 domaines : l’éducation en situation d’urgence, l’employabilité des jeunes et des femmes, et la santé mentale. Ali Kaboré, bénéficie d’une assistance multisectorielle dans le cadre de ce projet. Jeune rescapé de la violence armée au Burkina Faso, il reprend progressivement goût à la vie.

« Bonjour Ali ! comment tu vas ? », demande Julha. « Bonjour Julha ! Je vais bien et toi ? », lui répond distinctement le jeune garçon de 18 ans, tout joyeux de la visite matinale surprise de l’animatrice communautaire, que j’accompagne pour l’occasion sur le terrain. Entre Julha et Ali, la relation est spéciale, voire amicale. On le constate à travers leurs échanges teintés de grimaces, de taquineries, et d’éclats de rires… Une complicité qu’on avait du mal à imaginer, il y a quelques mois, lorsque Julha Nessao, animatrice communautaire à SOS Villages d’Enfants, pour le Projet d’appui à la résilience des déplacés internes face à la crise sanitaire de la Covid-19 dans la ville de Kaya au Burkina Faso, faisait la connaissance de Ali, en janvier 2022. Une mise en relation qui a été faite par le responsable d’un site de déplacés qui l’avait accueilli avec sa famille à leur arrivée de Dablo (commune rurale de la région du centre-nord) à Kaya, pour fuir les conflits armés. Renfermé, Il était alors difficile de lui arracher quelques mots et d’espérer un quelconque attachement au jeune garçon. Pourtant, Ali n’a pas toujours été introverti :  son attitude résulte d’un choc psychologique, lui ayant causé un traumatisme aux conséquences malheureuses. 

Le traumatisme de Ali remonte à un peu plus d’un an. Alors qu’un après-midi ensoleillé il gardait le troupeau familial avec ses cousins dans le village de Dablo, ils sont surpris par des hommes armés motorisés et en nombre important, qui traversent le village. Intimidés, les jeunes garçons prennent la fuite, mais seront vite traqués par leurs bourreaux qui touchent mortellement à l’épaule, avec une arme à feu Karim, le cousin de Ali. Une scène macabre, qui aura marqué à vie celui qui considérait son cousin comme son meilleur ami et son confident. « Karim et Ali étaient inséparables. Ils étaient comme les deux faces d’une même pièce. Il se racontaient tout, se promenaient et s’amusaient ensemble », se rappelle Issouf, le père de Ali.  « Après cet événement, la vie de mon fils a basculé. Il n’était plus que l’ombre de lui-même, pleurant à longueur de journée. Ali ne parlait plus. Il mangeait à peine et s’apeurait pour la moindre chose »,  poursuit-il. 

„ Ali et Karim  étaient comme les deux faces d’une même pièce « 

Le cas du jeune Ali n’est pas isolé. Depuis l’aggravation des conflits armés qui touchent une grande partie du territoire burkinabè, notamment le nord, plusieurs cas de traumatismes, affectant surtout les enfants, sont quotidiennement rapportés. Ayant, pour la plupart, été témoins ou ayant vécu des atrocités incompatibles à leur jeune âge, ces enfants victimes de troubles mentaux multiformes sont suivis et pris en charge par des spécialistes, qui les aident à retrouver, à travers des méthodes adaptées et personnalisées, leur enfance volée et à reprendre goût à la vie. Daniel Ouédraogo, psychologue à SOS Villages d’Enfants au Burkina Faso, qui a constaté un accroissement inquiétant du nombre d’enfants et de jeunes souffrant de traumatismes, connait bien Ali, pour l’avoir suivi et aidé à se remettre progressivement de son mal, non sans difficulté. Il est aujourd’hui satisfait des changements positifs constatés sur l’attitude de Ali et fonde de bons espoirs pour l’avenir du jeune garçon. « L’état de santé de Ali s’est beaucoup amélioré et il reprend progressivement goût à la vie. Mais ça n’a pas été facile d’en arriver là. Il a fallu beaucoup de patience et de psychothérapie pour l’amener, petit-à-petit, à sortir de son état mutique et traumatique », explique le psychologue. « A présent, nous observons une stabilisation et une amélioration de son état, qui se manifestent par la récupération progressive de la parole et la remémoration des évènements et des noms. Par ailleurs, Ali arrive à se doucher et à se nourrir seul ; il écoute et participe activement, par moment, aux discussions de groupe le soir à la maison… », ajoute-t-il.

 L’état de santé de Ali s’est beaucoup amélioré et il reprend progressivement goût à la vie.

Julha et Ali en pleine conversation

Je souhaite devenir un grand éleveur de moutons et avoir le plus grand troupeau de mon village

Le Projet d’appui à la résilience des déplacés internes face à la crise sanitaire de la Covid-19 dans la ville de Kaya met en œuvre un paquet d’activités multisectorielles adressées aux personnes déplacées internes, notamment les enfants, les jeunes et les femmes, allant de l’éducation à l’employabilité en passant par la prise en charge psychologique. L’assistance portée au jeune Ali, qui concerne dans un premier temps ce dernier volet, va se poursuivre avec d’autres types d’accompagnement.  Après la prise en charge psychologique et l’évaluation de ses besoins, le projet va l’orienter vers une formation professionnelle qui devra déboucher sur un métier. Mais pour Ali, le choix est déjà fait : il souhaite devenir un grand éleveur ! « Je souhaite devenir un grand éleveur de moutons et avoir le plus grand troupeau de mon village », révèle celui qui sort progressivement d’une longue période de torpeur. Une décision que respectent ses parents, confiants que le chemin de la guérison totale de leur fils n’est plus long, grâce à l’accompagnement de SOS Villages d’Enfants. Mariétou, la mère de Ali, lance, tout de même, un cri du cœur afin que le projet l’aide à bénéficier d’une activité génératrice de revenus, pour qu’elle puisse subvenir aux besoins sans cesse croissants de la famille, nombreuse d’une dizaine de membres.

Ali et son père, nourrissant leurs moutons

Mariétou, la mère de Ali, souhaite que le projet l’aide à bénéficier d’une activité génératrice de revenus afin qu’elle puisse subvenir aux besoins de la famille.

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